Le 15 janvier 2009, le Dauphiné Libéré titrait « 100 000 Isérois de plus, ça change quoi ? ». C’est le résultat du dernier recensement de la population dans notre département.
100 000 habitants supplémentaires cela correspond à une population englobant 2/3 des habitants actuels de Grenoble intramuros. La population iséroise a crû sur la période 1999-2006 de 9,28 %. Cette augmentation de population due à la fois au solde naturel et au solde migratoire nous amène à nous poser plusieurs questions. Parmi elles une question ne sera pas traitée ici mais mérite tout de même d’être formulée : Est-ce que accroitre sa population de près de 10% tous les 7 ans est soutenable à long terme sur un territoire ayant de fortes contraintes géographiques ?
D’autres plus précises et très concrètes, concernant nos vies quotidiennes, seront abordées : Quelles sont les communes qui ont bénéficié de ce surcroit de population ? Comment cela se répartit il sur le territoire du sud Isère, de l’agglomération ? Et surtout quelles sont les conséquences de la répartition de cet apport nouveau de population en matière d’environnement et de déplacements ? Comme nous allons le voir dans ce bilan de cet accroissement de population, nous nous devrons de proposer des pistes de réflexions différentes.
Le dernier recensement de la population pour le sud Isère nous indique que les gains importants de population concernent souvent les communes en bout d’agglomération grenobloise, ou situées dans un rayon de 30 kms et plus du centre de l’agglomération, pour preuve :
Sud Agglo : Vif + 23,4%, St martin d’Uriage + 9% et plus loin encore Monestier-de-Clermont + 19% ou Mens + 14,8%.
Vallée du haut Grésivaudan : Plateau des petites Roches + 27%, Le Cheylas + 21%, Allevard + 17%, La Terrasse + 14%, Lumbin + 29% etc.
Vallée du bas Grésivaudan : Saint Marcellin + 11,2%, Saint-Vérand + 20,01 %
Remarquons cependant que quelques communes de l’agglomération comme Echirolles et Sassenage ont connu aussi une forte croissance de la population, au même rythme que celle du département : Echirolles +8,8% soit +2943 habitants, Sassenage +8,8% soit +879 habitants.
A contrario, une partie non négligeable des communes de l’agglomération comme Fontaine, Meylan, Saint Egrève, Seyssinet-Pariset, Eybens perdent elles des habitants.
Pour Saint Egrève, entre 1999 et 2006 le recul de la population est d’une cinquantaine d’habitants alors que notre commune gagnait 400 logements, passant de 6195 logement à 6592. Cherchez l’erreur !1 Pour rappel, de 1968 à 1999 St Egrève a connu une augmentation de sa population de 35% tandis que son parc de logement lui doublait quasiment (+ 90%). Comme par le passé, cette fois encore c’est la diminution du nombre d’individus par ménage qui est en cause. On est passé d’une moyenne de 3,5 personnes par logement en 1968 à 2,6 en 1999, pour atteindre finalement 2,25 en 2006.
En définitif, le taux de variation annuel de la population du pole urbain grenoblois a été en moyenne de 0,3% sur la période étudiée avec des variations très importantes selon qu’il s’agisse de la ville centre (0,2%), de la banlieue (0,3%) ou de la couronne périurbaine (1,3%)2.
Les résultats de la répartition géographique des nouveaux habitants confirment donc ce que tous les isérois vivent quotidiennement en étant acteurs ou spectateurs des innombrables embouteillages, à savoir qu’une part de plus en plus importante de la population habite de plus en plus loin du centre urbain, qui est souvent le principal pourvoyeur d’emploi.
Pour comprendre si un accroissement inégalement réparti de la population sur un territoire comme l’Isère est une bonne chose ou non d’un point de vue des déplacements il faudrait aussi comparer ces taux de croissance avec le taux de croissance de création net d’emplois sur ces territoires. Qu’une commune comme St Marcellin ou Monestier de Clermont connaissent un taux de croissance de la population important peut être considéré comme positif d’un point de vue du dynamisme économique, mais il faut tout mettre en œuvre pour que sur ces territoires, de l’emploi soit également créé. Ces territoires ne doivent pas être ou devenir plus encore des cités dortoirs.
Concernant les conséquences d’un point de vue de l’urbanisation proprement dit, nous sommes confrontés à deux phénomènes que l’on croit souvent opposés mais qui dans les faits se complètent malheureusement assez bien dans notre département. D’une part, pour le milieu urbain il s’agit de la densification du nombre de logements et pas forcément du nombre d’habitants, avec pour conséquence une emprise toujours plus importante du bâti, ou dit autrement du béton, ce qui inévitablement amoindri la biodiversité. Il est important de souligner qu’aujourd’hui chaque personne dispose en moyenne de 1,7 pièce au lieu de 1 pièce en 19543, cela signifie en d’autres termes qu’il faut bâtir presque deux fois plus de logements qu’auparavant pour garder le même rythme de croissance positive ou négative de la population sur un lieu donné.
D’autre part, pour le secteur rural ou périurbain, nous faisons fasse à un étalement urbain qui ne cesse de progresser et qui inexorablement abouti à réaliser cette mégalopole rêvée par certains élus entre Genève et Valence. Bravo ! Là aussi les conséquences sont immédiates en ce qui concerne la biodiversité avec des territoires riches en faunes et flores qui comme le Vercors ou la Chartreuse se trouvent de plus en plus enclavés à cause de cette continuité urbaine qui ne fait que s’accroitre. Hors chacun sait que pour préserver cette biodiversité les échanges (passage de la faune, renouvellement par des apports nouveaux de population) entre les différents territoires sont indispensables.
Plusieurs pistes doivent être étudiées sérieusement pour que l’on puisse arriver à réduire la distance moyenne entre lieu d’habitation, de travail et de consommation. Aujourd’hui, on ne cherche pas suffisamment à rapprocher les lieux d’habitation et de travail. Pour preuve certaines zones d’activité naissent en plein champ comme celle de la Bièvre (entrepôt King jouet), bien loin des bassins d’habitation, ce qui génère de nouveaux déplacements. Pire encore, à Grenoble on a même préféré reconvertir en logements seuls les grandes zones industrielles qui étaient laissées en friches plutôt que de mixer entreprises et logements un peu comme cela se fait sur le secteur Bouchayer- Viallet.
Peut être faudrait-il réfléchir à ce que dans le PLU, chaque fois que des logements sont créés, cela soit assujetti à la création d’un certain nombre nouveau d’emploi ? Cela pourrait être préconisé au moins dans le PADD. Ainsi une commune qui accroit son nombre d’habitants en quelques années mais ne favorise pas l’implantation d’emploi devrait se voir pénalisée. La création aujourd’hui d’éco quartier doit absolument favoriser à cet effet à la fois, la mixité sociale et la mixité du bâti (logements, implantation d’entreprises et des équipements publics)4. Il faudrait également avoir des leviers (fiscalité incitative, subventions) locaux permettant d’inciter davantage les entreprises à valoriser financièrement par des primes ou autres, leurs salariés qui se rapprocheraient de leur lieu de travail ou qui ne logeraient qu’à X distances de leur travail. Bien sûr cela nécessite aussi de prendre en compte l’aspect du prix de l’immobilier et donc aussi d’avoir une politique de logements sociaux à proximité de ces pôles d’emploi, voire d’accession aidée à la propriété.
Par ailleurs, il faut arriver à inventer des politiques qui permettraient d’améliorer le rendement d’un logement (c’est à dire d’augmenter le nombre d’habitants par pièce ou mètres carrées). En effet, nous nous devons d’inventer les conditions qui feront que demain plus de personnes aient envie de vivre ensemble sous un même toit ou que le logement occupé corresponde bien au besoin de l’occupant. Par exemple, certaines communes, encore rares réfléchissent à la mise en place d’une plateforme où il serait possible d’échanger des logements en fonction des besoins réels des occupants. Cela bien sûr ferait l’objet de contrats, de compensations diverses (financières, services à la personne etc.) en fonction des biens échangés ou mis à disposition (Chambre étudiante contre services par exemple).
En conséquence, bien qu’il y ait eu dans les faits une densification urbaine des villes de l’agglomération grenobloise, cela a été concomitant avec un rythme de développement des communes plus lointaines encore plus soutenu. Les conséquences en terme d’augmentation des déplacements et de préservation de la biodiversité se sont fait ressentir sur l’ensemble du territoire de manière criante. Nous devons absolument avoir une vraie politique efficace d’aménagement du territoire avec une délimitation des agglomérations telles Grenoble, Voiron ou Chambéry.
Où sont et surtout où seront demain les franches vertes, ces zones tampons non urbanisées entre plusieurs pôles urbains, qui sont pourtant tellement utiles au bien être des habitants et nécessaires pour garantir une biodiversité acceptable à laquelle, rappelons le, nous appartenons ?
Laurent Amadieu
Je voulais vous féliciter pour la valeur de vos écrits. Je voudrais suivre vos nouveaux messages ! Continuez votre bon travail.